La peur du silence
En formation, j’observe très souvent que le silence met les gens mal à l’aise. Peut-être en faites-vous partie ? Ce moment de vide sonore peut vite devenir source de gêne. On se surprend alors à vouloir le combler, parfois même sans s’en rendre compte. Mais pourquoi ce besoin urgent de « remplir » ?
Il y a plusieurs raisons à cela.
Tout d’abord, le silence provoque un inconfort émotionnel. Il laisse la place aux pensées intérieures, parfois inconfortables, voire anxiogènes. Parler devient alors une stratégie d’évitement : fuir l’introspection, détourner le regard de soi-même.
Ensuite, il y a la peur du jugement. Lorsque le silence s’installe dans une conversation, certains y voient le signe d’un malaise, d’un manque d’intérêt ou même d’incompétence. Alors, on parle pour maintenir les apparences, rassurer l’autre… « et soi-même ».
Pour beaucoup aussi, parler est un moyen de maintenir le lien. Se taire peut être perçu comme une coupure relationnelle. Alors, on meuble, même avec des banalités, juste pour préserver ce fil invisible qui nous relie.
Et le silence dans le monde professionnel ?
Dans un cadre professionnel, le silence peut être perçu (par l’émetteur) comme un désengagement ou un vide à combler coûte que coûte. Pourtant, ne pas prendre la parole est un levier stratégique puissant :
- En réunion, il permet de marquer une pause, d’encourager la réflexion, et d’éviter les réponses précipitées.
- Dans la négociation, il met l’interlocuteur dans une position d’incertitude qui le pousse à en dire davantage, voire à dévoiler des éléments clés.
- Dans le management, il valorise l’écoute, donne du poids aux paroles prononcées et montre du respect pour le rythme de l’autre.
- En coaching ou entretien RH, le silence permet à la personne en face de plonger plus profondément dans sa pensée, de formuler ce qu’elle n’aurait peut-être pas osé dire autrement.
Le silence devient alors un outil de leadership. Il montre que vous êtes à l’aise avec vous-même, capable d’écouter sans vouloir tout contrôler. Il crée un espace de confiance.
Au même titre qu’un commercial doive maitriser les techniques de questionnement, il doit utiliser les silences avec aisance.
D’ailleurs, dans un échange entre deux individus, celui des deux qui maîtrise les silences, dispose d’un atout redoutable sur l’autre.
Et si on changeait de regard ?
Pour moi, le silence est une opportunité. Une chance d’écouter, de sentir, d’être pleinement présent. Un moment suspendu, propice à la réflexion, à l’authenticité.
Alors, si vous êtes mal à l’aise face au silence, posez-vous cette question : « Qu’est-ce que je crains dans ce silence ? »
Être jugé ? Oublié ? Ressentir une émotion que je préfère éviter ? Nommer cette peur, c’est déjà lui retirer son pouvoir.
Et si, au lieu de fuir le silence, vous appreniez à l’apprivoiser ?
Il pourrait bien devenir votre meilleur allié — dans la vie comme au travail.